Publiée le par Yaël Pasgrimaud
Bonjour tout le monde,
Avez-vous déjà été surpris des interviews de sportifs sur leurs habitudes de sommeil ? On entend parfois les opposés et leurs contraires. Par exemple, Roger Federer qui parle de 11 à 12h de sommeil quotidien afin de performer à son meilleur niveau. Mais qu’en est-il réellement aux yeux de la science ? C’est ce que nous allons aborder aujourd’hui en tentant de répondre à la question suivante :
Comment optimiser son sommeil afin de mieux récupérer ?
Pour ce faire, nous allons d’abord chercher à déterminer les bienfaits d’un bon sommeil pour le coureur. Également quelle serait la durée idéale de sommeil. Ensuite, nous verrons des conseils et recommandations afin d’améliorer la qualité de son sommeil.
Nous savons que le manque de sommeil à une incidence négative sur nos performances mais jusque dans quelle mesure ? L’étude de Cullen et al. (2020) a donc cherché à mesurer différents paramètres selon trois conditions : (1) sommeil normal; (2) quatre heures de sommeil; (3) manque total de sommeil. Tout d’abord, par rapport au groupe (1), les groupes (2) et (3) présentaient une perte de 4% de la performance en aérobie, une perte de 5% en détente verticale et une perception d’effort plus intense. Fait notable, il n’y avait pas de différence significative entre le groupe (2) et (3). C’est-à-dire que ne pas dormir ou dormir quatre heures a la même incidence sur la performance selon les résultats de cette étude. Au contraire, quels sont les effets bénéfiques du sommeil ?
Pour y répondre, nous allons aborder l’étude de Hamlin et al. (2021). En effet, les auteurs ont cherché à mesurer différents paramètres associés à la qualité et quantité de sommeil auprès d’athlètes étudiants. Les auteurs se sont aperçus qu’un sommeil de qualité et une quantité de sommeil supérieure ou égale à 8h étaient associés à une meilleure humeur perçue, un meilleur niveau d’énergie, moins de stress et une meilleure qualité d’entraînement. En outre, ces mêmes athlètes étaient moins enclins à tomber malade ou à se blesser. Ce constat est corroboré par les résultats de l’étude de Milewski et al. (2014), dans laquelle, chez un public de sportif adolescent, le risque de blessure était accru de 110% lorsque les athlètes dormaient généralement moins de 8h par nuit. Prendre soin de son sommeil semble donc faire partie intégrante de l’hygiène de vie du sportif.
Ces besoins de 8 heures semblent coïncider avec les résultats de Sargent et al. (2021). Il s’agissait d’une étude qualitative dans laquelle les auteurs cherchaient à connaître les besoins en sommeil auprès de 175 athlètes élites. En parallèle, ils ont mesuré leur sommeil à l’aide d’une montre durant 12 nuits. Les résultats sont les suivants, les athlètes déclaraient avoir besoin de 8,3 ( ± 0.9) heures de sommeil afin de se sentir reposé. Or dans les faits, leur sommeil moyen était de 6,7 ( ± 0.8) heures. Plus de ⅔ des participants disaient manquer d’une heure ou plus de sommeil par nuit. Il semble donc pertinent de viser les 8 heures de sommeil préconisées par nuit. Cependant, les recommandations génériques de 7 à 9 heures de sommeil sont généralement mal adaptées (Walsh et al. 2021). Selon Bird (2013), les besoins en sommeil seraient plutôt à adapter en fonction de l’âge et la charge d’entraînement (demande physique et psychologique du sport). Les adolescents ont besoin de plus de sommeil que les adultes (Walsh et al., 2021) et doivent viser autour des 8 à 10 heures de nuit. Enfin, plus l’activité physique est intense et régulière et plus les besoins en sommeil des athlètes sont importants (Walsh et al., 2021).
Mais ce n’est pas le seul critère à prendre en compte concernant les besoins en sommeil. En effet, ceux-ci doivent également être adaptés au chronotype (e.g. Bender et al., 2018). Cela correspond grossièrement aux fenêtres biologiques individuelles de sommeil. De fait, l’horloge interne de chacun fonctionne selon plusieurs rythmes, certains sont plutôt du matin et d’autres, du soir. Les préférences quant au coucher varient donc selon les individus. Or, une inadéquation entre l’heure du coucher et les rythmes circadiens résulte en un sommeil de moindre qualité chez des athlètes (Bender et al., 2018). Ainsi, en plus de la durée, la régularité sur l’heure du coucher ainsi qu’un horaire adapté aux préférences individuelles semble essentiel pour bien récupérer.
Nous allons ensuite voir diverses stratégies et points d’attention afin d’améliorer la qualité de son sommeil. Tout d’abord, voici quelques recommandations (i.e. Walsh et al., 2021) afin de favoriser l’endormissement et un sommeil de meilleure qualité :
- ne pas rester éveillé allongé sur son lit sur une trop longue période
- Avoir un environnement de sommeil adéquat (calme, frais et sombre)
- Assurer une exposition à la lumière naturelle du soleil au réveil
- Avoir une routine de relaxation avant d’aller au lit (pas de lumière bleue, heures de coucher régulières, etc …)
- Éviter le café, l’alcool et les repas lourds trop proches du coucher
Toutefois, il n’est pas préjudiciable de manger peu de temps avant le coucher, à condition que le repas ne soit pas trop conséquent. En effet, l’étude de Lehmann et al. (2022) a cherché à évaluer les effets de l’horaire d’ingestion du repas sur différents paramètres du sommeil (durée, efficacité, latence) chez des joueurs de rugby. Pour ce faire, ils ont comparé deux conditions : (1) repas 3 heures ½ avant le coucher; (2) repas 1 heure ½ avant le coucher. Les auteurs ont alors pu observer que la deuxième condition résultait en un sommeil moins fragmenté et de meilleure qualité.
L’heure de l’entraînement a également une incidence sur la qualité du sommeil. En effet, l’étude de O’Donnel et al. (2018) montre qu’un entraînement sportif à 18h a pour conséquences de diminuer significativement la quantité et la qualité du sommeil. Même constat pour un match sportif (à transposer en athlétisme par une course) à 18h, mais qui a en plus pour conséquence d’augmenter le cortisol salivaire (hormone du stress) et le stress perçu avant le coucher. Il est donc recommandé d’écarter ses entraînements et compétitions de l’heure du coucher, ce qui correspond cependant rarement à la réalité du contexte sportif en France.
En parlant de stress, celui-ci a également une influence néfaste sur le sommeil. Par exemple, l’étude de Halson et al. (2021), peu importe le sport et le genre, trouve une association positive entre le stress perçu et un sommeil de moindre qualité. C’est-à-dire que plus l’individu présente un état de stress subjectif important et moins il est enclin à bien dormir. Pire encore, de faibles niveaux de stress psychologique sont également associés à des troubles du sommeil. Il apparaît donc essentiel de diminuer le stress de son environnement ou travailler sur sa gestion de l’anxiété afin de ne pas en pâtir sur son sommeil.
Pour finir, nous allons présenter une stratégie qui selon moi sauve des vies. Nous allons aborder la question des siestes. Lorsque le sommeil est insuffisant, une stratégie viable afin de récupérer consiste à faire la sieste. Mais quels en sont les bénéfices ?
- Pour un manque de sommeil et même une nuit normale, les siestes ont un effet positif sur les fonctions cognitives, la performance physique et également la réduction de la fatigue perçue (Mesas et al., 2022).
- Une plage de sieste aménagée de 40 minutes dans l’emploi du temps a pour effets de réduire la fréquence cardiaque et la perception d'effort chez des basketteurs élites (Souabni et al., 2023).
- Les siestes améliorent également la mémoire à court-terme, l’attention, le temps de réaction, les performances (endurance, sauts, sprints répétés) et les aptitudes spécifiques à l’activité sportive (Souabni et al., 2021).
Mais quelles sont les recommandations scientifiques quant aux siestes ? Un cycle de sommeil dure environ 1h30. Il y a donc deux manières de faire des siestes : (1) les siestes courtes (<30 minutes); (2) les siestes longues (>90 minutes). Pour les athlètes, les siestes longues comportent de meilleurs bénéfices par rapport aux siestes courtes (Botonis et al., 2021). De plus, les siestes de 90 minutes sont optimales afin d’éviter l’inertie du sommeil et optimiser les marqueurs de performance physiques et cognitifs (Souabni et al., 2021). En cas d’emploi du temps chargé, il est toujours pertinent de prévoir une sieste courte qui comporte elle aussi des bénéfices. Afin d’être pleinement réveillé, il est également recommandé de prendre 30 minutes d’écart entre la sieste courte et l’entraînement et au moins 2h entre la sieste longue et l’entraînement (Botonis et al., 2021).
Voilà tout pour cet article. J’espère que vous aurez pu y trouver des informations intéressantes. N’hésitez pas à me faire des retours. Bonne lecture à tous et bonnes vacances.
Bibliographie :
Bender, A. M., Van Dongen, H. P., & Samuels, C. H. (2018). Sleep quality and chronotype differences between elite athletes and non-athlete controls. Clocks & Sleep, 1(1), 3-12.
Bird, S. P. (2013). Sleep, recovery, and athletic performance: a brief review and recommendations. Strength & Conditioning Journal, 35(5), 43-47.
Botonis, P. G., Koutouvakis, N., & Toubekis, A. G. (2021). The impact of daytime napping on athletic performance–a narrative review. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 31(12), 2164-2177.
Cullen, T., Thomas, G., & Wadley, A. (2020). Sleep deprivation: cytokine and neuroendocrine effects on perception of effort. Medicine & Science in Sports & Exercise, 52(4), 909-918.
Halson, S. L., Appaneal, R. N., Welvaert, M., Maniar, N., & Drew, M. K. (2021). Stressed and not sleeping: poor sleep and psychological stress in elite athletes prior to the Rio 2016 Olympic games. International journal of sports physiology and performance, 17(2), 195-202.
Hamlin, M. J., Deuchrass, R. W., Olsen, P. D., Choukri, M. A., Marshall, H. C., Lizamore, C. A., ... & Elliot, C. A. (2021). The effect of sleep quality and quantity on athlete's health and perceived training quality. Frontiers in sports and active living, 3, 705650.
Lehmann, L., Saidi, O., Giacomoni, M., Del Sordo, G., Maso, F., Margaritis, I., & Duché, P. (2022). A delayed evening meal enhances sleep quality in Young Rugby players. International journal of sport nutrition and exercise metabolism, 33(1), 39-46.
Mesas, A. E., de Arenas-Arroyo, S. N., Martinez-Vizcaino, V., Garrido-Miguel, M., Fernández-Rodríguez, R., Bizzozero-Peroni, B., & Torres-Costoso, A. I. (2023). Is daytime napping an effective strategy to improve sport-related cognitive and physical performance and reduce fatigue? A systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials. British Journal of Sports Medicine, 57(7), 417-426.
Milewski, M. D., Skaggs, D. L., Bishop, G. A., Pace, J. L., Ibrahim, D. A., Wren, T. A., & Barzdukas, A. (2014). Chronic lack of sleep is associated with increased sports injuries in adolescent athletes. Journal of Pediatric Orthopaedics, 34(2), 129-133.
O'Donnell, S., Bird, S., Jacobson, G., & Driller, M. (2018). Sleep and stress hormone responses to training and competition in elite female athletes. European journal of sport science, 18(5), 611–618.
Sargent, C., Lastella, M., Halson, S. L., & Roach, G. D. (2021). How much sleep does an elite athlete need?. International journal of sports physiology and performance, 16(12), 1746-1757.
Souabni, M., Hammouda, O., Souabni, M. J., Romdhani, M., & Driss, T. (2023). 40-min nap opportunity attenuates heart rate and perceived exertion and improves physical specific abilities in elite basketball players. Research in Sports Medicine, 31(6), 859-872.
Souabni, M., Hammouda, O., Romdhani, M., Trabelsi, K., Ammar, A., & Driss, T. (2021). Benefits of daytime napping opportunity on physical and cognitive performances in physically active participants: a systematic review. Sports Medicine, 51(10), 2115-2146.
Walsh, N. P., Halson, S. L., Sargent, C., Roach, G. D., Nédélec, M., Gupta, L., ... & Samuels, C. H. (2021). Sleep and the athlete: narrative review and 2021 expert consensus recommendations. British journal of sports medicine, 55(7), 356-368.

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