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Stratégies de pacing

Publié le 03 mars 2025 par

Stratégies de pacing

 

Bonjour à tous, 

Cet article va porter sur les stratégies de pacing à adopter le jour de la course. Le pace signifie simplement l’allure. Nous allons tenter de répondre à la question suivante  :   

 

Comment faire pour optimiser la gestion de son allure le jour de la compétition ? 

 

Je vais donc vous apporter plusieurs éléments de réponse. Dans un premier temps, cela dépend de la durée la de course. Cela va de soi, la stratégie adoptée sur un 400m n’est pas la même que sur un semi-marathon. Typiquement, la stratégie adoptée lors d’un sprint est un “all out” (Casado et al., 2021). Cela signifie donner le maximum de son effort dès le départ de l’épreuve et résister à la décélération sur les phases finales de la course. Ce n’est pas le cas pour les courses de fond et de demi-fond, où la gestion de l’allure est primordiale. D’où l’intérêt d’adopter la bonne stratégie de pacing. 

Nous allons ensuite souligner la stratégie optimale pour chaque épreuve allant du demi-fond au fond. Pour commencer nous allons définir trois stratégies principales (e.g. Sha et al., 2024). La première est le “positive split”. Cela signifie une réduction de l’allure moyenne au cours de l’effort, avec une première moitié de course courue plus rapidement que la seconde (Casado et al. 2021). On peut l’illustrer par l’adage en athlétisme “courir comme un cadet”, qui prend un départ dynamité, pour terminer sa course en footing. Au contraire, le “negative split” constitue une accélération progressive durant l’effort, avec une seconde moitié de course courue plus vite que la première. C’était par exemple le cas de Kelvin Kiptum (RIP), qui pour l’anecdote a retiré sa montre à mi-course, lorsqu’il a établi le record du monde sur marathon. La dernière, une stratégie dite de “even split”, avec des temps de passages réguliers entre les deux moitiées de course. Ceci étant dit voici le regard de la science sur la stratégie à adopter en fonction des épreuves : 

 

  • 800m : L’étude de Filipas et al. (2018) s’est penchée sur les stratégies de pacing utilisées par plus d’une centaine de coureur élite sur 800m au bilan IAAF. Pour ce faire, ils ont mesuré leur temps de passage par tranches de 200m. Ils ont également cherché si il existait des différences homme/femme. Les auteurs ont donc observé que tous les athlètes employaient une stratégie de positive split, avec un premier 200m couru significativement plus vite que les trois prochains. La différence homme/femme se situe uniquement sur la variation d’allure au sein même de la course chez les athlètes féminines. Ainsi, la logique interne de l’activité, confrontée à la réalité métabolique, font que les meilleurs chronos sont obtenus en ayant une deuxième moitié de course plus lente que la première.

 

  • 1500m/mile : L’étude de Noakes et al. (2009) s’est intéressée aux stratégies de pacing adoptées par 32 athlètes lors de leur record sur un mile (1609m). Les auteurs ont alors observé plusieurs tendances. Dans 90% des cas, le tour le plus lent est le deuxième (34%) ou le troisième (56%). Les tours les plus rapides, quant à eux, sont le premier ou alors le dernier. Le constat est le même sur 1500m. Effectivement dans l’étude de Casado et al. (2021), les chercheurs observent que chez des athlètes élite, les meilleurs chronos sont obtenus en adoptant une stratégie de course en U parabolique. C’est-à-dire un départ et une fin de course plus rapide que son milieu. De plus, ces chronos sont souvent couru en negative split. Au regard des ces informations, le pacing optimal sur 1500m/mile, semble donc d’adopter une stratégie de course en U et en “negative split”.  

 

  • 5000m/10km : Tucker et al. (2006) ont cherché à analyser les temps de passage pour 34 records du monde sur 5000m et 10km. Les résultats sont similaires pour les deux distances. Ces records ont été courus en adoptant une stratégie de pacing en U ou alors en “even split”, avec une accélération sur la fin. Les deux épreuves présentaient respectivement un premier et dernier 1000m couru plus rapidement que l’allure moyenne. Le dernier étant le plus rapide. Sur le 5000m, le km le plus lent était le quatrième. Tandis que sur le 10km, il s’agissait du 6ème et du 8ème. Ainsi, sur ces distances, prendre un départ légèrement plus rapide que son allure moyenne et être capable de relancer dans le dernier km semble approprié afin de battre son record. 

 

  • Semi-marathon : L’étude de Hanley (2015) s’intéresse aux stratégies de pacing adoptées par des athlètes élite lors de 6 compétitions internationales. Les auteurs ont choisi de décomposer les courses en 4 segments de 5km et un segment final de 1,1 km. Les meilleurs résultats sont obtenus avec une stratégie de “even split” et une accélération finale. Le graphique des allures moyennes montre que la première portion de 5km est la plus rapide, tandis que les trois suivantes sont progressivement un peu plus lentes. La dernière portion de 1,1 km est, quant à elle, significativement plus rapide que le reste de la course. Les meilleures performances sont aussi obtenues en évitant certaines erreurs. Ces erreurs sont (1) joindre un peloton trop rapide sur le premier 5km; (2) se faire lâcher d’un peloton tôt dans la course; (3) changer plusieurs fois de pelotons; (4) courir la majeure partie de la course seul.

 

  • Marathon : Sha et al. (2024) présentent une revue de littérature sur les stratégies de pacing au marathon. L’intérêt de ce type d’étude est de faire un état des lieux des connaissances actuelles sur un sujet. Ils vont donc aborder les résultats de 39 études sur le sujet. La conclusion des auteurs est la suivante. Il n’y a pas de stratégie de pacing optimale sur la distance. Celle-ci est à adapter en fonction du profil du coureur, du terrain et de la densité. Selon eux, trois stratégies de pacing sont viables. Le “positive”, le “negative”, et le “even” split. Il faut noter que les résultats des études semblent faire émerger une différence de pacing liée au genre. Les hommes ont plutôt tendance à opter pour un “positive split”. L’allure la plus importante étant atteinte entre le 10ème et le 25ème km. Inversement, du côté des féminines, qui optent plutôt pour un départ conservateur et régulier dans les débuts de course, puis un “negative split”. L’allure la plus importante étant progressive et atteinte à partir du 25ème km. 

Cette gestion de l’allure va aussi dépendre du type de course. En effet, l’étude de Casado et al. (2021) s’est aussi penchée sur les différences de stratégies de pacing adoptées par les athlètes sur les courses de championnat et sur les courses à chrono.  Ils remarquent alors que lors des courses de championnats, lorsque l’on vise la place, nous allons avoir plutôt tendance à avoir un pacing en J, avec un départ lent et une accélération significative aux abords de la fin de course. Ils constatent également un effort haché, avec beaucoup de micro variations de l’allure tout au long de la course. Enfin, les athlètes qui occupent les podiums sont souvent ceux qui courent à la corde et ceux qui sont placés dans le paquet de tête avant l’accélération finale. Au contraire, et comme précédemment explicités, lors des courses à chrono les coureurs adoptent plutôt un pacing en U, avec une allure plus régulière et des accélérations plus progressives.

Attention, cela dépendra également de votre profil de coureur (i.e. endurant vs rapide). Chaque coureur possède une typologie de fibres musculaires différentes. Succinctement, chaque muscle du corps humain est composé de faisceaux musculaires, eux-mêmes composés de fibres musculaires. Chaque fibre musculaire a des propriétés contractiles et un potentiel d’action différent. En effet, il existe trois types de fibres. D’abord les fibres dites I, qui sont peu fatigables et très résilientes mais permettent de produire une quantité de force limitée. Ensuite les fibres IIa, un peu plus fatigables mais qui produisent davantage de force. Enfin, les fibres IIb, très fatigables et difficiles à recruter, mais qui produisent une quantité de force importante. Chaque muscle est composé à différentes proportions de ces fibres et provient en partie de la génétique mais aussi de l’entraînement. Ainsi un coureur/sprinteur ayant un profil rapide sera capable de courir vite mais pas longtemps. Un coureur de fond au contraire ne sera pas capable d’atteindre une vitesse importante mais sera capable de la maintenir dans la durée. Je vous présente cela parce qu’en connaissant notre profil, nous pouvons ajuster notre stratégie de pacing sur les courses. Effectivement, un coureur rapide aura tout intérêt à profiter de ce potentiel d’action et garder une réserve d’énergie pour être capable de finir fort en fin de course. Là où un individu plus endurant, doté de plus de fibre I, sera capable de courir à un pourcentage plus élevé de sa VMA pendant la course et gagnera à partir dans le rythme et essayer de maintenir l’allure. 

Cela dépend également du niveau du coureur. L’étude de Lima-Silva et al. (2010), s’est penchée sur la différence de gestion de pacing sur 10km par rapport aux niveaux des coureurs. Pour ce faire, les auteurs ont regroupé les participants dans deux groupes de niveau. Le premier (G1), lorsque la performance de l’athlète est supérieure à 39’ sur 10km. Enfin le dernier (G2), lorsque la performance de l’athlète se situe sous les 35’30’’. Les résultats sont les suivants. Tout d’abord, les auteurs ont observé que les athlètes ont spontanément choisi de prendre un départ plus rapide que l’allure moyenne de leur course. Les deux groupes ont également accéléré significativement sur le dernier 400m. Cependant, la différence se joue sur la vitesse et la durée de cette accélération. Le G2 lors du départ, était capable, lors de son accélération, d’atteindre une allure conséquemment supérieure à l’allure moyenne (1 à 2km/h), sans que cela ne soit préjudiciable. Il était également capable de tenir cette allure sur environ 1000m contre 400m pour le G1. Les deux groupes ont toutefois adopté une stratégie en U. Ce qu’il faut retenir, c’est donc que la modulation de l’allure et sa durée sont à adapter à son niveau de performance. De plus, qu’importe le niveau de performance, être capable de finir plus fort en fin de course semble être une qualité intéressante à travailler pour améliorer son chrono. 

Voilà tout pour cet article. j’espère qu’il vous aura plut. Comme pour les précédents, n'hésitez pas à me soumettre des suggestions pour les prochains thèmes. A très vite sur la piste. 



 

Bibliographie : 

 

Casado, A., Hanley, B., Jiménez-Reyes, P., & Renfree, A. (2021). Pacing profiles and tactical behaviors of elite runners. Journal of sport and health science, 10(5), 537-549.

Filipas, L., Ballati, E. N., Bonato, M., La Torre, A., & Piacentini, M. F. (2018). Elite male and female 800-m runners’ display of different pacing strategies during season-best performances. International journal of sports physiology and performance, 13(10), 1344-1348.

Hanley, B. (2015). Pacing profiles and pack running at the IAAF World Half Marathon Championships. Journal of sports sciences, 33(11), 1189-1195.

Lima-Silva, A. E., Bertuzzi, R. C., Pires, F. O., Barros, R. V., Gagliardi, J. F., Hammond, J., ... & Bishop, D. J. (2010). Effect of performance level on pacing strategy during a 10-km running race. European journal of applied physiology, 108, 1045-1053.

Noakes, T. D., Lambert, M. I., & Hauman, R. (2009). Which lap is the slowest? An analysis of 32 world mile record performances. British Journal of Sports Medicine, 43(10), 760-764.

Sha, J., Yi, Q., Jiang, X., Wang, Z., Cao, H., & Jiang, S. (2024). Pacing strategies in marathons: A systematic review. Heliyon.

Tucker, R., Lambert, M. I., & Noakes, T. D. (2006). An analysis of pacing strategies during men’s world-record performances in track athletics. International journal of sports physiology and performance, 1(3), 233-245.


 

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